À seulement 16 ans, Ismaël Camara s’impose déjà comme l’un des talents les plus prometteurs du football américain français. Originaire du Mans, ce jeune athlète à la carrure impressionnante a su se démarquer très tôt sur le terrain, jusqu’à franchir l’Atlantique pour intégrer Gilmer High School au Texas, un véritable tremplin vers l’élite du football américain. Entre travail acharné, sacrifices et ambition, Ismaël vise les sommets avec un objectif clair : atteindre la Draft NFL. Retour sur le parcours exceptionnel de ce jeune Français qui repousse les limites pour réaliser son rêve.
FFFA : Bonjour Ismaël, tout le monde ne te connait pas, mais tu commences à te faire un nom dans le football. Peux-tu te présenter ?
Ismaël Camara : Bonjour, je m’appelle Ismaël Camara, j’ai 16 ans, je suis né à Montfermeil et j’ai grandi au Mans. J’évolue dorénavant à Gilmer High School au Texas, l’équipe championne d’État en 2023, les Buckeyes.
FFFA : À quel poste ? As-tu toujours joué sur la ligne ? Et comment tu découvres le foot ?
I.C. : Je joue sur la ligne en tant qu’Offensive Tackle et Defensive Tackle. J’ai commencé, à 13ans, à jouer sur la ligne par mon gabarit. Je devais déjà faire 1m86 pour 105kg à 13 ans. Ma découverte du football américain est vraiment particulière. Quelqu’un a déposé un flyer du club dans la boite aux lettres, le jour où je suis allé récupérer le courrier. Cela m’a tout de suite donné envie. Je tiens à remercier la personne qui a déposé ce flyer (rires). Je faisais du soccer pendant 3 ou 4 années mais avec mon gabarit changeant, je me suis dit qu’il fallait changer de sport. Ce flyer est arrivé à point nommé… il y avait le numéro de Charles Paviot et un montage de plusieurs photos du club des Caïmans du Mans.
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Ismael Camara en uniforme avec Gilmer
FFFA : Tu débutes donc aux Caïmans. Est-ce que tu connaissais le football américain avant ça ? Et les Caïmans dans ta ville ? Comment se passe le début ?
I.C. : Je n’avais aucune idée du sport même si je connaissais le Super Bowl avec le halftime show notamment, mais pas plus que cela. J’arrive donc dans le club des Caïmans à la rentrée de ma 5ème, en septembre 2021. Pendant toute la saison, je ne pouvais que m’entraîner mais pas faire de match. Le COVID et mon trop jeune âge en sont les raisons. Je ne pouvais pas faire de double surclassement pour jouer avec les U16. Je n’ai pas perdu de motivation, jamais. Dès les premiers entrainements je savais que j’aimais ça et que j’étais fait pour ça. Je jouais contre les U16 et U19, grâce à mon physique avancé. J’ai donc fait 3 saisons avec le club avant de partir.
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Ismael Camara avec les Caimans
FFFA : À 14 ans tu te dis que tu peux réussir dans ce sport ? Tu penses déjà aux Etats-Unis ?
I.C. : J’ai toujours eu de la famille au Texas. C’est lors d’une visite sur place que j’ai pu me rendre compte de l’importance du football américain aux États-Unis. Je connaissais aussi des joueurs tels que Junior Aho, Valentin Gnahoua, Jeffrey M’Ba et Anthony Mahoungou. J’étais naïf sur la manière dont cela fonctionnait, mais je me disais que si ces joueurs français y été arrivés, je pouvais le faire aussi. Ils m’ont inspiré et j’ai toujours travaillé pour arriver là où j’en suis aujourd’hui. Via ma famille au Texas, j’ai toujours été attiré par la culture américaine. J’écoute du rap depuis petit et j’aime la mode et le style vestimentaire américain. Ces deux aspects ont renforcé ma curiosité pour les États-Unis.
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Ismael Camara lors du camp organisé par Elite Athlètes et la FFFA
FFFA : Comment, après trois saisons en France, tu pars aux États Unis ?
I.C. : Sur ma première saison de matchs, notre équipe est championne de France. La saison qui suit est plus décevante puisqu’on échoue en finale et la dernière n’avait pas réellement de compétition à remporter. Durant ces trois saisons, j’ai tout donné et j’étais régulièrement nommé meilleur OL et/ou DL. En voyant ma progression, j’avais pris la décision de passer l’été en famille, au Texas. Je suis arrivé en mai dernier et tout de suite j’ai pris mes repères et je me suis entrainé dur. En raison de mon contexte familial, nous avons tous décidé qu’il était préférable que je reste au Texas pour y finir mon lycée. Ma famille et mes coéquipiers me manquent, mais ainsi va la vie. Je suis très heureux d’être ici maintenant et je suis motivé à continuer de travailler dur chaque jour.
FFFA : Peux-tu nous parler un peu plus du programme dans lequel tu évolues ? Quand tu arrives, tu à quel âge ?
I.C. : Je suis en deuxième année de lycée ici. Il me reste 2 saisons/années scolaires à faire ici. À 18 ans, je vais devoir passer un test pour obtenir un diplôme (High School Diploma) équivalent au Baccalauréat. C’est indispensable pour arriver à l’université car le sport et l’éducation sont liés ici. Ici à Gilmer Texas, dans le programme de mon High School, le football américain fait partie intégrante de la culture locale. Le staff technique de l’équipe me connaissait avant mon arrivée par le biais de ma famille, cela a favorisé mon intégration. J’avais également eu l’occasion de suivre leurs matchs sur internet par le passé. Cette relation a été très importante et j’ai pu nouer des liens rapidement avec mon équipe. Je suis arrivé à Gilmer à 16 ans. Ici, le sport et les études sont en symbiose. Mes coéquipiers sont mes camarades de classe. On est comme une famille puisque l’on passe 6 jours sur 7 ensemble.
FFFA : Et donc tu as une famille d’accueil, peux-tu en dire davantage ?
I.C. : En France, j’ai perdu ma mère à l’âge de 3 ans. Ma grand-mère m’a élevé avec mon oncle, mes cousins et frères plus âgés. La situation pendant le COVID était difficile pour ma famille. Pour m’en sortir, j’ai dû trouver une solution par le biais de ma famille au Texas. Je suis arrivé ici dans les meilleures conditions pour l’été et tout s’est bien déroulé. Ma famille ici a toujours été très impliquée dans la vie communautaire. Ça n’a pas toujours été simple, ma grand-mère a fait tout ce qu’elle pouvait et je suis tellement reconnaissant du rôle qu’elle a tenu lorsque ma mère est décédée. Ma grand-mère m’a élevé et m’a vu grandir. Ces moments difficiles m’ont permis de devenir l’homme que je suis aujourd’hui et m’ont préparé aux étapes de la vie.
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Ismael Camara en compagnie de son frère et de sa grand-mère
FFFA : En arrivant ici, tu as travaillé fort pour une transformation physique ? Peux-tu nous en dire plus ?
I.C. : Je suis arrivé ici à 1m95 et 118kg. Maintenant, je fais 2m01 pour 140kg en réduisant ma masse graisseuse. Pour te donner un exemple, au Bench Press, je poussais 100 kg et maintenant je peux pousser à 190kg et je squatte 340kg. Les Etats-Unis m’ont changé physiquement et mentalement.
FFFA : En arrivant ici, tu as participé à un combine. Peux-tu nous expliquer lequel et comment cela s’est-il passé ?
I.C. : Aux États-Unis, chaque année se déroule différents types d’évènement appelés “All American Game”. Ce sont des matchs rassemblant les meilleurs joueurs du pays et cela offre une grosse exposition pour le recrutement à l’université. Pour être sélectionner et participer à un de ces matchs, tu fais des combines avec des exercices, puis des 1 contre 1. Ça s’est très bien passé pour moi puisque j’ai les meilleures statistiques sur la position OL et j’ai su montrer mon talent. Aussi j’ai été élu MVP du « U.S. Army National Combine », ce qui est rare pour un OL et encore plus pour un étranger. Lors de ce camp j’ai aussi eu l’occasion lors de m’entraîner avec un ancien OL des Dallas Cowboys (NFL – Nate Livings). J’ai reçu de très bons conseils que j’applique tous les jours à l’entrainement.
FFFA : Et donc tu vas participer au All American Game ?
I.C. : Je suis en effet invité à jouer le match pendant l’intersaison en 2026 puisque le match se déroule juste avant d’intégrer l’Université.
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Ismaël Camara élu MVP du « U.S. Army National Combine »
FFFA : Est-ce que, en tant que Français, tu te sens différent, regardé différemment ou même ignoré voire méprisé ?
I.C. : Franchement, pas du tout. Ici, si tu es un dawg* (dog = chien, pour exprimer la combativité de quelqu’un) tu es un dawg. Peu importe la nationalité. Il suffit de prouver sur le terrain. Le premier jour, je sais que j’étais vu comme un Français qui ne connait pas ce sport. Dès le premier entrainement, j’ai été respecté parce que j’ai tout de suite montré de quoi j’étais capable. Cela me motive que je sois le petit français. J’ai dû travailler 10 fois plus fort que les Américains. Je restais toujours 2h de plus aux entraînements pour rattraper mon retard « football » parce qu’ici, ils sont nés avec ce sport.
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Ismael Camara #72 6ème en partant de la gauche tout en haut avec Gilmer
FFFA : Comment tu fais pour garder la tête sur les épaules alors qu’on sent, et toi aussi, que tu es spécial dans ce sport et qu’on pense déjà à une potentielle draft ?
I.C. : Avoir la tête sur les épaules, c’est quelque chose que tu dois avoir. Le sport c’est le sport. Il faut rester humble. Je montre ce que je dois montrer. Quand tu es sur le terrain tu agis comme tu dois le faire pour être le meilleur mais en dehors tu dois rester humble.
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Ismael Camara en action avec Gilmer
FFFA : Et donc tout cet attrait se concrétise avec des propositions d’Université, alors que tu as encore 2 saisons à faire ?
I.C. : En effet, après une première saison en High School où j’ai participé à des Combine et Showcase notamment le Top 100 Texas où j’ai été élu MVP, j’ai attiré l’œil. Je suis considéré Sophomore (l’appellation pour les élèves en Seconde) 3 étoiles dans une méthode de ranking. Mon travail mental, physique et le fait que je parle plusieurs langues participent à mon évaluation. J’ai actuellement 16 offres de Division 1 (les Universités avec les équipes évoluant au plus haut niveau de la NCAA) dont Tennessee, Ole Miss, Texas A&M, Houston, SMU, etc. Je suis très heureux que ces programmes m’aient proposé une bourse. Il me reste 2 saisons donc pour obtenir le plus d’offres et effectuer mon choix, que je ferai dans l’été avant mon année de terminale pour être concentré sur ma dernière année.
FFFA : Scolairement, comment tu t’en sors ?
I.C. : Le système français est l’un des plus difficiles donc l’arrivée ici n’a pas été un problème. Au début, suivre les cours en anglais était difficile, mais je suis désormais habitué et cela m’est facile. Il me reste deux années scolaires à faire et je tiens à les réussir.
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Ismael Camara visitent de nombreux places fortes du football américain
FFFA : À quoi ressemblent tes journées en dehors du High School ?
I.C. : Avec l’école, de 6h à 8h30 je suis à l’entraînement. Sur ou en dehors du terrain. L’après-midi, après les cours, on retourne au sport. Il y a un vrai soutien comme des professionnels sur le campus et sur le terrain. Je m’entraîne également en dehors de l’école avec à un coach personnel de performance sportive, Chip Smith, qui a mis des milliers de joueurs en NFL et 8 joueurs au Hall Of Fame. D’autre part, mon coach personnel de position est Jon Stinchcomb ; il a remporté le Super Bowl et est un joueur All Pro, avec une douzaine d’années dans la NFL. Je ne peux pas rêver mieux comme environnement de travail que ce soit à l’école ou en dehors. L’accompagnement à Gilmer avec mes coachs est parfait pour mon développement. Beaucoup d’anciens Buckeyes de Gilmer sont devenus joueurs et/ou entraîneurs en NFL et NCAA. Gilmer est ma famille, je suis à l’endroit parfait.
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Ismael Camara avec ses coéquipiers de Gilmer – Ismael Camara avec Chip Smith
FFFA : De quoi es-tu le plus fier ?
I.C. : Ce qui me rend le plus fier est de n’avoir jamais lâché malgré les moments compliqués où j’ai failli tout abandonner. Je suis fier d’avoir travaillé comme un fou. Je le dois aussi à mon entourage, mes amis et ma famille qui m’ont toujours soutenu. S’ils sont fiers de moi, je serais fier de moi.
FFFA : Et te sens-tu stressé par rapport à l’approche de l’université ?
I.C. : Non, pas vraiment. Ici, on a un rythme de malade. Nous nous levons à 5h pour aller à l’entrainement une première fois puis la journée s’enchaine avec les cours puis l’entrainement. Nous nous habituons. Nous sommes préparés pour la suite dans les High School.
FFFA : Quelles sont tes objectifs à court et à moyen terme ?
I.C. : Je veux être le meilleur des coéquipiers, être un leader dans ce groupe. Je veux aussi évidemment être le meilleur sur le terrain. Je veux que l’on aille chercher les deux prochaines bagues de champion d’État (référence au titre où les joueurs se voient offrir une bague de champion). Je vise mon diplôme en High School puis faire 3 ans à l’Université qui aura su me convaincre avant d’espérer atteindre la NFL Draft 2030 à 21 ans. La route est longue, mais mes objectifs sont clairs. Au Texas, je suis à 18 ans l’un des meilleurs lanceurs de poids. Avec LA28 en approche, un de mes rêves serait d’y participer et de représenter la France ou le Sénégal pays dont je suis originaire.
FFFA : Ismaël, tu dirais quoi au petit « Isma » ? et aux coachs des Caïmans que tu as cotoyés ? et même aux jeunes Français qui pourraient se retrouver dans ton histoire ?
I.C. : Je lui dirais de penser PRIDE. Positive Respectueux Intense Discipline et Everything. Dans tout ce que tu fais, fais-le à 100% et garde cette mentalité. Aux coachs, merci pour tout. J’ai été accompagné depuis le début et de parfaite manière. Merci à Charles « Charly » Paviot, Jean Amour Fazer ou encore Bertrand et Alexis. Ils m’ont accompagné de mes 12 à 16 ans et ont toujours été derrière moi. Ils m’ont fait aimer le sport, au-delà du fait qu’ils ont été de formidables personnes. Je pense aussi à mes coéquipiers, la période avec les Caïmans était formidable.