Cet épisode nous plonge au cœur de la finale du championnat de France de 1985 qui s’est déroulée au Stade Jean Bouin entre deux clubs franciliens, les Jets et les Challengers. Revivez l’histoire racontée de l’intérieur du fameux sitting de 1985.
LE CONTEXTE
En ce mois de juin 1985, le football américain se rend visible dans les médias lors de la finale du championnat de France appelée « CASQUE D’OR ». Cet événement existe depuis quelques saisons et se déroule cette année au stade Jean Bouin à Paris. Passionnés, joueurs d’autres équipes, familles, fans, curieux, médias, stands de marchands, tout le monde est réuni pour remplir les gradins et c’est environ 2000 à 4000 personnes qui sont présentes. Les Jets de Paris, équipe créée en 1983, une des plus anciennes équipes avec beaucoup d’expérience et de très bons joueurs, affrontent les Challengers de Paris. En demi- finale, les Jets se sont confrontés aux Castors et les Challengers ont battu l’équipe « mythique » des Spartacus… équipe qui a donné naissance à la majorité des autres équipes en région parisienne.
Quelques jours après les demi-finales, une rumeur et des échanges entre joueurs circulent sous les épaulières et casques … les « Spartacus », et son emblématique QB Laurent Plégelatte, n’auraient pas accepté leur défaite face aux Challengers » et remettent en cause le résultat tant dans le fond que dans la forme…
Dire que dans les autres équipes on en est « étonné », ne serait pas la réalité. Nous savons tous que la défaite pour les Spartacus et son meneur n’est pas acceptable et que de ne pas aller jouer et gagner le Casque d’Or est juste inenvisageable pour eux.
On pense à juste titre que les Spartacus vont faire une réclamation par principe auprès des instances fédérales mais que la finale entre les Jets et les Challengers aura bien lieu en date et lieu prévu par la FFFA
L’ECHAUFFEMENT
Les deux équipes sont maintenant dans les vestiaires et se préparent physiquement et mentalement au prochain affrontement entre les verts et les bleus. Les joueurs de chaque équipe sont arrivés dans les vestiaires 2 heures avant le coup d’envoi.
Les entraineurs, eux, veillent aux moindres détails et distillent à chacun des protagonistes les instructions et rappels de base. 60 minutes avant le kick off…les deux équipes doivent se retrouver sur le terrain…chacun sa moitié pour les échauffements et réglages puis retour aux vestiaires pour les consignes générales des coaches.
Nous sommes dans notre bulle quand nous allons sur le terrain pour notre échauffement et notre concentration est totale…ce qui fait que nous ne percevons pas encore les prémices des « bizarreries » à venir.
Il faut préciser qu’à cette époque dans la majorité des équipes sur le sol français, et c’est le cas chez des Jets et en partie chez les Challengers, le staff et coaching est assuré par des joueurs qui cumulent les fonctions…et oui nous en sommes encore dans les premiers moments de notre passion et notre sport.
Retour dans les vestiaires 30 minutes avant le coup d’envoi et certains d’entre nous chez les Jets perçoivent la formation de groupes dans les tribunes et plus particulièrement un groupe important en pleine discussion. On pense à un différend entre les Spartacus et Anges Bleus car dans notre petite sphère tout le microcosme Foot US connait les animosités existantes et importantes depuis plusieurs années entre les 2 clubs et leurs dirigeants…
Le staff des Jets de Paris, qui s’est comme habituellement beaucoup investi pour que la fête du Casque d’Or soit une réussite, échange quelques mots avec le groupe dans les tribunes. Nous espérons que ces tensions entre joueurs d’autres clubs ne viennent pas assombrir ou gâcher notre journée. Et puis la réalité reprend le dessus…réglages, questions, réponses, détails, instructions…dans moins de 30 minutes…le kick off et la finale.
La non-finale
Nous sommes prêts à ressortir pour aller jouer cette finale… quand une personne de l’extérieur entre dans les vestiaires et nous informe que les Spartacus refusent que la finale se joue et font un sitting, manifestation non violente, sur la pelouse.
On se regarde tous interloqués devant cette information… « Quoi ? qu’est-ce que c’est cette histoire…c’est impossible…on est dans le sport…pas dans la politique ». Nous, le staff des Jets, avons informé nos joueurs qu’il se passe quelque chose et qu’il y aura du retard…mais surtout que nous devons rester concentrés et que cette information ne nous concerne pas et ne doit en aucun cas nous démotiver. Nous sommes plusieurs à penser que c’est peut-être une manœuvre des Spartacus. On délègue dans notre staff deux personnes pour aller aux nouvelles et surtout informer la FFFA que pour les Jets nous restons prêts à jouer.
Devant la tribune l’ensemble du club des Spartacus est assis et informe à qui veut l’entendre qu’ils ont été spoliés et que c’est bien à eux de participer à cette finale…en disant qu’ils sont s’il le faut prêts à jouer cette finale ce jour.
On a du mal à comprendre comment cette situation en est arrivée là…mais pour quelqu’un d’entre nous la réponse est plus que limpide. On se réunit dans le tunnel des vestiaires, on décide d’attendre et laisser la FFFA régler le problème . On informe le staff des Challengers avec qui nous entretenons de très bonnes relations que pour nous les Jets…on joue et ils nous confirment que pour eux il en est de même.
Il est décidé entre nous d’attendre et surtout de ne pas aller sur le terrain avant d’avoir plus d’informations par la Fédération. On envoie juste un membre du staff en observateur pour nous tenir au courant de la situation à venir.
Les minutes passent…les vestiaires ne sont pas aussi grand que cela (prévu pour 11 ou 15 joueurs) pour 40 joueurs de Foot US en tenue. Ça prend de la place et dégage de la chaleur. On s’installe comme on peut…par terre…dans les douches…debout…chacun est dans sa bulle. Un silence pesant dans lequel on ressent de la concentration, de l’excitation mais aussi de la frustration et un peu d’énervement. Nous, staff, essayons de calmer ceux qui commencent à s’énerver. On rappelle les consignes… La tension monte.
Rien ne semble bouger et les minutes semblent interminables. Après un long moment qui nous a semblé jamais finir…enfin des news…Les Spartacus accepteraient de lever le sitting…et que la finale du Casque d’Or se joue. Cris de joie, tout le monde se tape sur les protections dans un bruit de tonnerre.
Les sourires sont sur les lèvres et les canines sont sorties pour aller au combat. Ça y est…on sort du vestiaire…il fait une chaleur insoutenable sous nos casques et équipement…pas besoin d’un nouvel échauffement. Nous arrivons sur la pelouse… les Challengers nous suivent…on est dans notre bulle… Le problème des Spartacus aurait dû être évacué avant la sortie des vestiaires et n’existe plus dans nos têtes…c’était juste un incident. Pourtant, ils sont toujours là lorsque nous arrivons et la finale ne peut toujours pas démarrer.
Après une nouvelle attente, nous apprenons le report de la finale à une date ultérieure… Nous finirons par la remporter à l’issue d’un match serré face au club expérimenté des Challengers, mais quelle aventure !
Témoignage de Stéphane Garnier (ancien Spartacus et Jets à l’époque) pour la FFFA
Pourquoi ce sitting ?
Mai 1985 au Stade Gilbert Brutus de Perpignan lors de la demi-finale du casque d’or alors que Le Spartacus grand favori de ce match se voient tenus en échec par le petit poucet les Challengers de Paris. À la fin du temps réglementaire les 2 équipes sont à égalité. Pour les départager il faut jouer des prolongations ! C’est une grande première pour un match de cette importance, la règle à l’époque est la suivante : Les 2 équipes partent des 25 yards adverses et c’est celui qui marque en moins de tentative qui remporte le match et donc d’aller en finale contre les Jets vainqueur des Castors dans l’autre demi-finale !
Après un tirage au sort ce sont les joueurs du Spartacus qui commencent leur série de tentatives et marquent un TD au bout de la 3ème. Ils réussissent la transformation. L’attaque des Challengers entre sur le terrain et marque dès sa 2ème tentative pour remporter ce match sans avoir besoin de faire sa transformation.
Dans l’avion du retour vers Paris le capitaine du Spartacus et tout fraîchement ancien Président de la fédération toujours très influant et surtout très mauvais perdant, Laurent Plégelatte, décide de porter une réclamation auprès des arbitres pour refaire jouer la prolongation. La Finale ayant lieu deux semaines plus tard, il était difficile de rejouer ce match dans les temps.
Le dimanche, les 2 équipes se présentent normalement au stade Jean Bouin devant près de 4000 personnes et quelques personnalités dont Jean Pierre Rives (star du rugby Français de l’époque) et Laurent Fignon pour jouer leur finale et constatent avec étonnement que le Spartacus est aussi sur le terrain pour manifester son mécontentement.
Il a fallu l’intervention de la police aidée par quelques joueurs de l’équipe des Anges Bleus (à l’époque grande rivale du Spartacus) pour évacuer les participant du fameux sitting de 1985. Mais cela est arrivé trop tard et la finale n’a pu se dérouler à cette date.
La finale reportée au vendredi soir suivant a finalement été remportée par les Jets sur le score de 6-0.
Propos rédigés par Pascal Younes (foot2a.fr) pour la FFFA